Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/180

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die. Elle tomba assise sur la chauffeuse graisseuse de sa cuisine, baissa la tête, posa le bras sur la table. La tête lui bourdonnait. Ses idées s’en allaient, puis revenaient comme en foule, s’étouffaient en elle, et de toutes il ne lui en restait qu’une, toujours plus aiguë, plus fixe : Il lui faut vingt francs ! vingt francs !… vingt francs !… Et elle regarda autour d’elle comme si elle allait les trouver là, dans la cheminée, dans le panier aux ordures, sous le fourneau. Puis elle songea aux gens qui lui devaient, à une bonne allemande qui avait promis de la rembourser, il y avait de cela plus d’un an. Elle se leva, noua son bonnet. Elle ne se disait plus : Il lui faut vingt francs ; elle se disait : Je les aurai. Elle descendit chez Adèle : — Tu n’as pas vingt francs pour une note qu’on apporte ?… mademoiselle est sortie.

— Pas de chance, dit Adèle ; j’ai donné mes derniers vingt francs à madame hier soir pour aller souper. Cette rosse-là n’est pas encore rentrée… Veux-tu trente sous ?

Elle courut chez l’épicier. C’était un dimanche ; il était trois heures : l’épicier venait de fermer. Il y avait du monde chez la fruitière ; elle demanda quatre sous d’herbes.

— Je n’ai pas d’argent, dit-elle. Elle espérait que la fruitière lui dirait : En voulez-vous ? La fruitière lui dit : En voilà un genre ? comme si on avait peur ! Il y avait d’autres bonnes : elle sortit sans rien dire.