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Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/209

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— Est-il drôle ! dit Adèle à Germinie, en lui donnant un grand coup de coude.

Et bientôt l’on fut en plein bois de Vincennes.

D’étroits sentiers, à la terre piétinée, talée et durcie, pleins de traces, se croisaient dans tous les sens. Dans l’intervalle de tous ces petits chemins, il s’étendait, par places, de l’herbe, mais une herbe écrasée, desséchée, jaunie et morte, éparpillée comme une litière, et dont les brins, couleur de paille, s’emmêlaient de tous côtés aux broussailles, entre le vert triste des orties. On reconnaissait là un de ces lieux champêtres où vont se vautrer les dimanches des grands faubourgs, et qui restent comme un gazon piétiné par une foule après un feu d’artifice. Des arbres s’espaçaient, tordus et mal venus, de petits ormes au tronc gris, tachés d’une lèpre jaune, ébranchés jusqu’à hauteur d’homme, des chênes malingres, mangés de chenilles et n’ayant plus que la dentelle de leurs feuilles. La verdure était pauvre, souffrante, et toute à jour ; le feuillage en l’air se voyait tout mince ; les frondaisons rabougries, fripées et brûlées, ne faisaient que persiller le ciel. De volantes poussières de grandes routes enveloppaient de gris les fonds. Tout avait la misère et la maigreur d’une végétation foulée et qui ne respire pas, la tristesse de la verdure à la barrière : la Nature semblait y sortir des pavés. Point de chant dans les branches, point d’insecte sur le sol battu ; le bruit des tapissières étourdissait l’oiseau ; l’orgue faisait taire le silence et le