Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/218

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les dégagements, les miettes d’idées et de connaissances, ce que roule l’air subtil et le ruisseau chargé d’une capitale, le frottement à l’imprimé, des bouts de feuilletons avalés entre deux chopes, des morceaux de drames entendus au boulevard, avait mis en lui cette intelligence de raccroc qui, sans éducation, s’apprend tout. Il possédait une platine inépuisable, imperturbable. Sa parole abondait et jaillissait en mots trouvés, en images cocasses, en ces métaphores qui sortent du génie comique des foules. Il avait le pittoresque naturel de la farce en plein vent. Il était tout débondant d’histoires réjouissantes et de bouffonneries, riche du plus riche répertoire de scies de la peinture en bâtiments. Membre de ces bas caveaux qu’on appelle des lices, il connaissait tous les airs, toutes les chansons, et il chantait sans se lasser. Il était drolatique enfin des pieds à la tête. Et rien qu’à le voir, on riait de lui comme d’un acteur qui fait rire.

Un homme de cette gaieté, de cet entrain, « allait » à Germinie.

Germinie n’était pas la bête de service qui n’a rien que son ouvrage dans la tête. Elle n’était pas la domestique « qui reste de là » avec la figure alarmée et le dandinement balourd de l’inintelligence devant des paroles de maîtres qui lui passent devant le nez. Elle aussi s’était dégrossie, s’était formée, s’était ouverte à l’éducation de Paris. Mlle de Varandeuil, inoccupée, curieuse à la façon d’une vieille fille des histoires du quartier, lui avait