Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/272

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cuisine, ce ne serait plus elle ; ce qui allait lui ouvrir la porte, ce ne serait plus elle ; ce qui trôlerait le matin dans sa chambre, ce serait une autre ! — Germinie ! Elle cria cela à la fin, avec le cri dont elle l’appelait ; puis, se reprenant : — Machine ! Chose !… Comment t’appelles-tu, toi ? dit-elle durement à la femme de ménage toute troublée. Ma robe… que j’y aille…

Il y avait, dans ce dénouement si rapide de la maladie, une si brusque surprise que sa pensée ne pouvait s’y faire. Elle avait peine à concevoir cette mort soudaine, secrète et vague, contenue tout entière pour elle dans ce chiffon de papier. Germinie était-elle vraiment morte ? Mademoiselle se le demandait avec le doute des gens qui ont perdu une personne chère au loin, et, ne l’ayant pas vue mourir, ne veulent pas qu’elle soit morte. Ne l’avait-elle pas vue encore toute vivante la dernière fois ? Comment cela était-il arrivé ? Comment tout à coup était-elle devenue ce qui n’est plus bon qu’à mettre dans la terre ? Mademoiselle n’osait y songer, et y songeait. L’inconnu de cette agonie dont elle ignorait tout, l’effrayait et l’attirait. L’anxieuse curiosité de sa tendresse allait vers les dernières heures de sa bonne, et elle essayait d’en soulever à tâtons le voile et l’horreur. Puis il lui prenait une irrésistible envie de tout savoir, d’assister, par ce qu’on lui dirait, à ce qu’elle n’avait pas vu. Il fallait qu’elle apprît si Germinie avait parlé avant de mourir, si elle avait exprimé un désir, témoigné une volonté,