Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/282

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semblant de l’aimer, la misérable ! Et pour se la montrer à elle-même plus ingrate et plus coquine, Mlle de Varandeuil se rappelait ses tendresses, ses soins, ses jalousies qui avaient l’air de l’adorer. Elle la revoyait se penchant sur elle lorsqu’elle était malade. Elle repensait à ses caresses… Tout cela mentait ! Son dévouement mentait ! Le bonheur de ses baisers, l’amour de ses lèvres mentaient ! Mademoiselle se disait cela, se le répétait, se le persuadait ; et pourtant, peu à peu, lentement, de ces souvenirs remués, de ces évocations dont elle cherchait l’amertume, de la lointaine douceur des jours passés, il se levait en elle un premier attendrissement de miséricorde.

Elle chassait ces pensées qui laissaient tomber sa colère ; mais la rêverie les lui rapportait. Il lui revenait alors des choses auxquelles elle n’avait pas fait attention du vivant de Germinie, de ces riens auxquels le tombeau fait penser et que la mort éclaire. Elle avait un vague ressouvenir de certaines étrangetés de cette fille, d’effusions fiévreuses, d’étreintes troublées, d’agenouillements qu’on eût dit prêts à une confession, de mouvements de lèvres au bord desquelles semblait trembler un secret. Elle retrouvait, avec ces yeux qu’on a pour ceux qui ne sont plus, les regards si tristes de Germinie, des gestes, des poses qu’elle avait, ses visages de désespoir. Et elle devinait là-dessous maintenant des blessures, des plaies, des déchirements, le tourment de ses angoisses et de ses repentirs, les lar-