Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/98

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Germinie, la plume levée sur la lettre commencée, regardait Adèle en la dévorant des yeux.

— Tu en restes de là, n’est-ce pas ? dit Adèle en lampant et savourant l’absinthe à petites gorgées, la figure allumée de joie devant le visage décomposé de Germinie. Ah ! le fait est que c’est cocasse ; mais pour vrai, c’est vrai, je t’en flanque mon billet… Elle a remarqué le gamin sur le pas de la boutique, l’autre jour en revenant des Courses… Elle est entrée deux ou trois fois sous prétexte d’acheter quelque chose. Elle doit se faire apporter de la parfumerie… je crois, demain… Ah ! bast, n’est-ce pas ? Ça les regarde… Eh bien ! et ma lettre ? Ça t’embête ce que je t’ai dit ? Tu faisais ta bégueule… Moi je ne savais pas… Ah ! bien, c’est ça, nous y sommes… Ce que tu me disais pour le petit… je crois bien que tu ne voulais pas qu’on y touche ! Farceuse !

Et sur un geste de dénégation de Germinie :

— Va donc, va donc ! reprit Adèle. Qué que ça me fait ? Un enfant que, si on le mouchait, il lui sortirait du lait ! Merci ! Ce n’est pas mon genre… Enfin, ce sont tes affaires… Voyons maintenant ma lettre, hein ?

Germinie se pencha sur la feuille de papier. Mais elle avait la fièvre ; ses doigts nerveux faisaient cracher la plume. — Tiens, fit-elle en la rejetant au bout de quelques instants, je ne sais pas ce que j’ai aujourd’hui… Je t’écrirai cela un autre jour…

— Comme tu voudras, ma petite… mais j’y