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Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/116

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chantés, où Marie-Antoinette pourra ôter sa couronne, se reposer de la représentation, reprendre sa volonté et son caprice, échapper à la surveillance, à la fatigue, au supplice solennel et à la discipline invariable de sa vie royale, avoir la solitude et avoir l’amitié, s’épancher, se livrer, s’abandonner, vivre ! Pour montrer tout le bonheur que la Reine se promet, pour faire entrer dans ses impatiences, je dirai une des matinées de la Reine à Versailles, telle qu’une de ses femmes de chambre nous l’a conservée. Aussi bien, cette matinée suffira peut-être à faire pardonner Trianon à Marie-Antoinette.

La Reine se réveillait à huit heures. Une femme de garde-robe entrait et déposait une corbeille couverte, appelée le prêt du jour, et contenant des chemises, des mouchoirs, des frottoirs. Pendant qu’elle faisait le service, la première femme remettait à la Reine, qui s’éveillait, un livre contenant un échantillon des douze grands habits, des douze robes riches sur paniers, des douze petites robes de fantaisie pour l’hiver ou l’été. La Reine piquait avec une épingle le grand habit de la messe, la robe déshabillée de l’après-midi, la robe parée du jeu ou du souper des petits appartements. Les Archives nationales possèdent un curieux volume qui porte sur un de ses plats de parchemin vert : Madame la comtesse d’Ossun. Garde-robe des atours de la Reine. Gazette pour l’année 1782. Ce sont, collés à des pains à cacheter rouges sur le papier blanc, les échantillons des robes portées par la Reine de 1782 à 1784. C’est comme une palette de tons clairs,