Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/153

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d’une douce châtelaine ; toute cette vie de tendresse domestique, toute cette occupation de sa bonté, soins, attentions, bonnes paroles, bons offices, secours d’argent, avancements, nominations, si longtemps le seul souci et la seule dépense de son crédit : les projets de réforme venaient tout rompre, renvoyer les dévouements, frapper les plus vieux comme les plus jeunes de ses serviteurs, de ses amis, dans leur fortune, dans leur existence, et peut-être laisser supposer à quelques-uns que leur maîtresse n’avait point pris la peine de les défendre. De pareilles économies coûtaient trop cher à la Reine pour qu’elle s’y soumît sans résistance.

Puis elle était reine ; et si la simplicité de ses inclinations voyait sans amertume des retranchements qui la rapprochaient de ses sujets et tendaient à la délivrer de l’étiquette, le sens droit de sa conscience monarchique ne pouvait voir sans dépit, sans alarmes, les malencontreuses réformes de M. de Saint-Germain ne donner au Roi, pour les Lits de justice de l’avenir, que l’escorte de quarante-quatre gendarmes et de quarante-quatre chevau-légers[1].

Les ministres se succédaient, et ce n’était pour la Reine qu’un changement d’ennemis. Le portefeuille de M. de Saint-Germain passé aux mains du prince de Montbarrey, le prince de Montbarrey débutait auprès de la Reine par une désobligeance. La Reine demandait pour un Choiseul, marié à la

  1. Mémoires de la République des lettres.