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Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/191

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que Chamfort disait ne pouvoir ni les répéter ni les oublier[1]. L’auteur de Mustapha et Zéangir n’était point seul à recevoir les bienfaits de Marie-Antoinette. La Reine avait des applaudissements et des récompenses pour toutes les choses de la pensée qui étaient à la portée de ses idées et de son sexe. Elle servait le talent, elle intercédait pour le génie. C’était elle qui commençait la fortune de l’abbé Delille[2] ; c’était elle qui aidait au retour de Voltaire, saluait sa vieillesse et sa muse, et, rappelant la présentation faite par la maréchale de Mouchy de l’hôtesse de l’Encyclopédie, Madame Geoffrin, tentait de faire recevoir à la cour de Louis XVI l’auteur de la Henriade[3]. L’historiette du jour, la médisance des cours, l’anecdote, ne faisaient point la seule occupation de la Reine : elles ne remplissaient, elles ne satisfaisaient ni sa tête ni ses loisirs. Le meilleur temps de la Reine, ses plus belles heures, étaient donnés aux travaux charmants, aux plaisirs aimables de l’art, à cet art surtout, l’art de la femme, la musique. La Reine protégeait les grands musiciens, ou plutôt elle recherchait leur amitié, et faisait la cour à leur orgueil. Elle allait familièrement à eux, et c’était un patronage nouveau, tendre, dévoué, le patronage de cette Reine, qui donnait à Grétry ces éloges et ces compliments, à la fille de Grétry le titre de filleule de la Reine de

  1. Mémoires de Weber, vol. I.
  2. Correspondance secrète, par Métra, vol. XI.
  3. Mémoires de Mme Campan, vol. I.