Marie-Antoinette avait cru un moment trouver autour d’elle des caractères assez grands, des affections assez nobles, pour l’aimer et ne rien demander à la Reine ; elle se réveillait de ce songe. Mais elle était liée et engagée avec le monde des Polignac ; une rupture eût fait éclat. Il fallait attendre. Cependant autour d’elle, Versailles, où les grâces ne s’obtenaient plus que de seconde main, devenait plus désert ; les grandes familles de France abandonnaient à elle-même la Reine de Trianon[1].
Aussi longtemps qu’elle avait pu, Marie-Antoinette avait essayé de désarmer avec des concessions les exigences de ses amis. Mal disposée pour M. de Calonne, et ne s’en cachant pas, elle avait cédé à l’obsession dans les jours de faiblesse physique qui avaient suivi une fausse couche[2]. M. de Calonne, qui avait vendu ses complaisances à la société Polignac, devenait contrôleur général des finances, et, dans son impatience d’une telle domination, Marie-Antoinette laissait échapper la crainte que les finances de l’État ne fussent passées des mains d’un honnête homme sans talent aux mains d’un habile intrigant[3]. Les efforts des Polignac, l’adulation basse du nouveau ministre ne pouvaient ramener la Reine à M. de Calonne ; et pendant que le public disait M. de Calonne et Marie-Antoinette alliés et complices, Marie-Antoinette se tenait écartée de lui comme du remord vivant de sa faiblesse. Elle s’en