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Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/209

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la France et le peuple de 1772 et 1773 ? Quoi donc ? Le temps et les hommes.

La veille de l’achat de Saint-Cloud au duc d’Orléans, les accusations commencent contre la Reine ; le lendemain elles éclatent. Dépense énorme, murmure-t-on, au moment où les finances sont obérées. Un écriteau de police intérieure, portant : De par la Reine, fait dire insolemment à d’Éprémesnil « qu’il est impolitique et immoral de voir les palais appartenir à une Reine de France[1]. » Les habitants de Saint-Cloud, marqués à la craie, pour loger les gens de la cour qui ne peuvent tenir dans le château, s’élèvent contre la Reine[2] ; et ce peuple, ce peuple que la Reine espérait ramener à elle en revenant à lui… il a ramassé l’épithète tombée des salons du parti français. Que crie-t-il tout le long de la route ? « Nous allons à Saint-Cloud pour voir les eaux et l’Autrichienne[3] ! »

C’est Marie-Antoinette elle-même qui va dire ses tristesses, ses alarmes, ses pressentiments, dans ces jours déjà menaçants, et où commence à se remuer dans les cœurs ce quelque chose de violent qui annonce à Bossuet les révolutions des empires. La Reine écrit en Angleterre, à quelques années de là :

« Où vous êtes, vous pouvez jouir au moins de la douceur de ne point entendre parler d’affaires. Quoiq-

  1. Mémoires de Mme Campan.
  2. Correspondance secrète (par Métra), vol. XVIII.
  3. Mémoires historiques et politiques du règne de Louis XVI, par Soulavie, vol. IV.