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Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/213

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écoutez les mécontentements, les rancunes, la jalousie, la fatuité, les passions des individus et les passions des partis ; écoutez ce chuchotement et ce murmure d’un peuple, qui remonte et redescend, redescend et remonte les halles à Versailles et de Versailles aux halles ! Écoutez la populace, écoutez les porteurs de chaises ; écoutez les courtisans, ramenant la calomnie de Marly, la ramenant des bals de la Reine, la ramenant en poste à Paris ! Écoutez les marquis au foyer des comédies, chez les Sophie Arnould et les Desmare, chez les courtisanes et les chanteuses ! Interrogez la rue, l’antichambre, les salons, la cour, la famille royale elle-même : la calomnie est partout et jusqu’aux côtés de la Reine[1].

Quel plaisir de Marie-Antoinette dont la calomnie n’ait fait un soupçon, un outrage ? Quelle proie, ses moindres jeux ! Quelle proie, cette dissipation innocente où la Reine portait l’assurance de sa conscience sans reproches, les étourderies de ses promenades à cheval, ses amusements aux bals de la Saint-Martin à la salle de comédie de Versailles[2], ses courses aux bals de l’Opéra, où elle venait avec une seule dame du palais et ses gens en redingote grise ! Quelle victoire de la calomnie, sa voiture cassée une nuit à l’entrée de Paris, et son entrée dans la salle avec ce mot naïf : C’est moi, en fiacre ! N’est-ce pas bien plaisant ? Quels bruits semés

  1. Portefeuille d’un talon rouge.
  2. Fragments inédits des Mémoires du prince de Ligne. La Revue nouvelle, février 1846.