Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/290

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ture… » Mais quel inimitable épanchement ! que de délicates choses, délicatement dites ! Et que de mots qui ne sont donnés qu’aux femmes, et dont un seul fait lire tout un sentiment ! La plainte aimable, la douce tristesse y semblent le gémissement d’une grande âme, et le malheur en élève l’accent jusqu’à cet héroïsme de larmes :

    « Ce 14 septembre.

« J’ai pleuré d’attendrissement, mon cher cœur, en lisant votre lettre. Oh ! ne croyez pas que je vous oublie, votre amitié est écrite dans mon cœur en traits effaçables, elle est ma consolation avec mes enfants que je ne quitte plus. J’ai plus que jamais bien besoin de l’appui de ces souvenirs et de toute mon courage, mais je me soutiendrai pour mon fils, et je pousserai jusqu’au bout ma pénible carrière ; c’est dans le malheur surtout qu’on sent tout ce qu’on est ; le sang qui coule dans mes veines ne peut mentir. Je suis bien occupée de vous et des vôtres ma tendre amie, c’est le moyen d’oublier les trahisons dont je suis entourée ; nous périrons plutôt par la faiblesse et les fautes de nos amis que par les combinaisons des méchants, nos amis ne s’entendent pas entre eux et prêtent le flanc aux mauvais esprits, et, d’un autre côté, les chefs de la Révolution, quand ils veulent parler d’ordre et de modération, ne sont pas écoutés. Plaignez-moi, mon cher cœur, et surtout aimez-moi ; vous et les vôtres je vous aimerai