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Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/293

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de la Reine ? Des modérés du tiers n’avaient-ils point poussé la confiance en elle jusqu’à s’aviser de penser à faire interdire le Roi, et à donner à la Reine la régence du royaume avec un parlement composé de deux chambres, à l’imitation du parlement anglais[1] ?

Illusions, dévouements, espérances, partis, la Reine ralliait donc autour d’elle trop de forces et trop de projets pour que la Révolution n’en prît pas ombrage, comme du seul grand obstacle de son avenir. Il était urgent que la Reine disparût pour que le chemin fût libre. « La grande dame devait s’en aller, si elle ne préférait pis, » tel était le langage des membres de la Constituante dans les salons de Paris[2] ; tel était l’avertissement officieux que lui faisaient donner les constitutionnels par l’entremise de la duchesse de Luynes[3]. Mais la Reine ne voulant pas se sauver, la Reine résolue à rester aux côtés du Roi, à y mourir s’il le fallait, la Révolution songea à se débarrasser d’elle avec le poignard de l’émeute. Les hommes étaient prêts. Il ne fallait plus qu’un prétexte et un cri qui cachât le mot d’ordre.

Le prétexte fut le repas donné par les gardes du corps au régiment de Flandres dans la salle de spectacle de Versailles, repas où l’orchestre avait joué : O Richard ! ô mon roi ! et où la Reine avait paru avec le Roi et le Dauphin. Puis, le peuple échauffé

  1. Histoire de Marie-Antoinette, par Montjoye, 1814, vol. I.
  2. Journal de la cour et de la ville, 4 octobre 1790.
  3. Mémoires de Mme Campan, vol. II.