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Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/333

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taire. On ne veut pas juger les nécessités politiques, on nous punit de nos malheurs[1]. »

Qu’une telle position torturait Marie-Antoinette et son cœur ! Quel supplice journalier, et auquel elle ne pouvait s’habituer, de céder à la nécessité et de taire ses sympathies ! Quelles luttes, quels combats, quels poignants regrets, quelles hontes secrètes, quand elle ne pouvait témoigner toute sa reconnaissance à son sauveur, M. de Miomandre, miraculeusement guéri de ses blessures ; quand, le fils de l’infortuné Favras amené à son couvert, elle rentrait en armes dans ses appartements, et se plaignait amèrement de n’avoir pu faire asseoir à table entre elle et le Roi le fils d’un homme mort pour la royauté[2] !

Barnave était de ceux qui s’étonnaient de ne point voir former à la Reine de maison civile. Il s’étonnait encore et s’inquiétait de n’être écouté qu’à demi par la cour, et de la diriger à peine dans le détail de sa conduite. Il ne comprenait point que la métamorphose ne peut se faire en un jour d’une monarchie en un pouvoir exécutif. Quelque renoncement qu’ils apportassent au sacrifice, quelque bonne foi qu’ils missent à l’exécution d’un pacte qui n’était qu’une trêve pour leurs ennemis, les derniers représentants de la monarchie française ne pouvaient renier la royauté, la religion de ses traditions, de ses espérances, de ses reconnaissances ; et c’était demander à Marie-Antoinette une

  1. Mémoires de Mme Campan, vol. II.
  2. Ibid.