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Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/401

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plus le peuple, elle ne voit plus ses enfants[1]. De tout le jour, elle n’a ni une parole ni un regard, comme si derrière les rideaux cette tête aux blonds cheveux sanglants était toujours à la regarder !

Puis la vie monotone et lente de la prison recommença.

À huit heures, le service du Roi fait, hier Hüe, aujourd’hui Cléry descendait chez la Reine, et la trouvait levée, ainsi que le Dauphin. Les municipaux entrés, le Dauphin montait chez le Roi ; et pendant qu’au-dessus d’elle le Roi donnait des leçons de latin et de géographie à son fils, la Reine faisait l’éducation religieuse de sa fille. Elle lui apprenait ensuite à chanter ; ou bien, elle guidait son crayon sur les modèles de tête envoyés au Temple par M. Van Blaremberg[2].

La Reine, jusqu’à midi, avait un bonnet de linon et une robe de basin blanc. À midi elle mettait une robe de toile fond brun à petites fleurs, son unique parure de la journée jusqu’à la mort du Roi[3].

À deux heures, on dînait tous ensemble chez le Roi, et comme le Roi essayait quelquefois de s’échapper après le dîner pour aller lire et travailler, la Reine le retenait à une partie de trictrac ou de cartes. Mais le jeu même, souvent quel rappel et quelle menace ! et que de fois la Reine en sortait

  1. Récit de Madame.
  2. Dernières années, par Hüe.
  3. Six journées au Temple, par Moille.