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Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/413

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une députation de la Commune, à peine l’affreuse nouvelle apprise par le Roi à la Reine, venait enlever aux prisonniers « toute espèce d’instruments tranchants ou autres armes offensives et défensives, en général tout ce dont on prive les autres prisonniers présumés criminels. » Tout fut enlevé, de ce qui peut dérober au bourreau, tout, même les ciseaux de la Reine ; et l’on vit une Reine, qui reprisait son linge, cassant son fil avec ses dents[1]

Quelles paroles pour dire l’agonie de la Reine pendant le procès du Roi ? Comme dans la Convention, « la mort ! » dans la tour répond à « la mort ! » La mort ! disent les visages à la Reine ; la mort ! disent les murs ; la mort ! dit l’écho ; la mort ! dit le papier ; la mort ! disent les journaux de la Révolution, oubliés par la Révolution sur la commode de la Reine[2]. Toute consolation, toute espérances, toute illusions, lui sont défendues ; le peu qui lui restait de force lui a été retiré : elle n’a pas vu le Roi depuis qu’il a été ramené de la Convention ! Et, pour que nulle angoisse ne manque aux angoisses de Marie-Antoinette, la maladie va de son fils à sa fille, et dans son cœur d’épouse déchire son cœur de mère.

Il y avait des jours où la Reine n’avait plus de paroles et où elle regardait ses enfants avec un air de pitié qui les faisait tressaillir ; il y avait des nuits où elle n’avait plus de sommeil et où elle restait sans

  1. Journal de Cléry.
  2. Récit de Madame.