Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/42

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grand canal et de tous les jardins, remplis de bateleurs, de musiques et de danses[1]. Le peuple de Paris eut des écus de six livres, des distributions de pain, de vin, de viande, et la foire des remparts[2].

Ces joies étourdissantes n’avaient point encore délivré la pensée de la jeune épouse de l’émotion et du souvenir de cet orage éclatant sur Versailles après son mariage, de ces coups de tonnerre ébranlant le château le jour même où elle y entrait[3]. Bientôt une catastrophe l’alarmait de pressentiments plus sinistres.

  1. Le jeudi 19 mars on donnait la première représentation de la reprise de Persée chanté par les demoiselles Dubois, Arnould, Rosalie, les sieurs Geslin, Legros, Cassagnade, dansé par les sieurs Vestris, Gardel, Dauberval, les demoiselles Guimard, Heinel, etc. Le 19 mai le bal paré avait lieu dans trois galeries tendues de brocard bleu et argent, garnies de colonnes de marbre vert-campan, de candélabres supportant des enfants chargés des attributs de l’amour, de guirlandes de fruits ou argent sur fonds d’émeraude encadrés d’or. Au sortir du bal paré, le Roi donnait le signal pour tirer le feu d’artifice qui devait avoir lieu le 16 et qu’avait retardé le mauvais temps. On tirait un corps de feu composé de dix mille fusées volantes, de mille gros pots à feu, de vingt-quatre bombes, qui au milieu de leurs feux et de leurs éclatements laissaient apercevoir un temple de l’Hymen. Une charmante illumination suivait toute semée de dauphins lumineux. Le 21 mai il y avait bal masqué dans la grande galerie, ainsi que dans le salon d’Hercule, de Mercure, des Tribunes où les masques admiraient les jolis enguirlandements de fleurs autour des lustres de cristal. Enfin le 24 mai Athalie était jouée avec toute la pompe imaginable et le talent de Mlle  Clairon qui, retirée du théâtre, consentait à jouer ce jour-là. (Journal des spectacles de la Cour pendant l’année 1770.)
  2. Gazette de France — Mercure de France, mai 1770.
  3. Mémoires de Weber, vol. I.