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Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/420

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Le malheur a fait l’âme de la Reine semblable à son visage. Il n’est plus de sourire, il n’est plus de rayon non plus au dedans d’elle. Tout s’y est éteint, mais tout s’y est pacifié ; tout y est désolé, mais tout aussi y est recueilli dans une sérénité morne. De la princesse, de la femme, il ne reste plus qu’une veuve. Les amertumes ne la touchent plus, les outrages passent au-dessous d’elle, les cruautés n’atteignent que sa pitié. Pour elle l’avenir est sans terreur : il n’est plus que promesse ; et Marie-Antoinette s’approche de la mort, ainsi que d’une patrie et d’un rendez-vous, avec un tranquille et pieux désir.

Elle prie et s’abîme dans la prière ; elle se plonge et s’absorbe dans la Journée du Chrétien ; elle immole son cœur devant cette image du cœur de Marie sanglant et traversé de glaives[1]. Son âme ne prête plus l’oreille à la terre ; son âme va s’élevant, se dégageant chaque jour, et comme essayant ses ailes… Mais Dieu permit que Marie-Antoinette fût encore tentée par l’espérance, comme s’il eût voulu montrer que les mères ne sont jamais prêtes à mourir.

Pendant que la Reine, enfoncée dans sa douleur, s’enfermait dans sa prison et ne voulait plus descendre au jardin, pour ne pas passer devant la porte par laquelle était sorti Louis XVI[2], de

  1. Bulletin du tribunal criminel révolutionnaire (2e partie, 1793), n° 28.
  2. Récit de Madame.