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Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/432

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et sa femme n’entraient jamais. Vers six heures trois quarts, le tabac d’Espagne, prodigué par Toulan, aux époux Tison, et renfermant ce jour-là un narcotique, plongeait l’homme et la femme dans un sommeil de huit heures. La Reine, vêtue en homme, montrant de loin sa carte à la sentinelle rassurée par la vue de son écharpe, sortait du Temple avec Lepitre, et se rendait rue de la Corderie, où M. de Jarjayes devait l’attendre. Quelques minutes après sept heures, les sentinelles relevées dans la tour, un commis du bureau de Toulan, dévoué comme lui, du nom de Ricard, arrivait à la porte de la Reine, costumé en allumeur, sa boîte de fer-blanc au bras, frappait, et recevait le Dauphin et Madame Royale des mains de Toulan, qui le grondait tout haut de n’être pas venu lui-même arranger les quinquets ; et les enfants allaient rejoindre leur mère. Madame Élisabeth, sous le même déguisement que la Reine, sortait la dernière avec Toulan.

Les fugitifs avaient au moins cinq heures devant eux. La Reine eût demandé le matin qu’on ne servit qu’à neuf heures et demie son souper, servi d’ordinaire à neuf heures ; on eût frappé, refrappé, interrogé la sentinelle, qui, relevée à neuf heures, n’eût rien su ; on serait descendu à la salle du conseil ; on serait remonté avec les deux autres commissaires ; on eût frappé de nouveau, appelé les sentinelles précédentes, enfin envoyé chercher un serrurier. Le serrurier eût trouvé les portes fermées en dedans ; et, avant qu’on eût enfoncé les deux