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Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/51

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Que pouvait Marie-Antoinette contre de telles préventions ? Que pouvaient sa gaieté, sa sensibilité, tous ses dons auprès de cette âme dure, sèche et hautaine ? Quel lien d’ailleurs entre la femme du Dauphin et sa tante ? L’esprit naturel et peu nourri de la Dauphine se heurtait à cette encyclopédie de connaissances acquises, avec une volonté de fer, par Madame Adélaïde au sortir du couvent. Libertés, vivacités, bonheurs indiscrets de la parole, jolies audaces, gracieuses ignorances, choquaient à toute heure cette science glacée, cette religion pédante, cette expérience gourmée et grondeuse. Et que si l’on voulait montrer l’opposition de ces deux princesses jusque dans le détail et le menu de leurs goûts, les Mémoires contemporains nous apprendraient que la table même ne les rapprochait point : la Dauphine satisfaisait son appétit d’un rien, et sa soif d’un verre d’eau[1].

Madame Victoire, douce et excellente personne si elle eût eu le courage de s’abandonner à ses instincts, peinée du triste accueil que sa sœur faisait à tant de grâces, s’essaya un moment à se faire la consolation et le conseil de la jeune épousée. Elle l’appela et l’autorisa près d’elle. Elle tenta, par l’attrait de quelques fêtes données chez madame Durfort, de s’approcher de la confiance de la Dauphine et de l’attacher à sa compagnie ; mais madame de Noailles d’un côté, Madame Adélaïde de l’autre, ne tardèrent pas à avoir raison de ces bonnes dispositions de Madame Victoire.

  1. Mémoires de Mme Campan, vol. I.