Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/54

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

trouvera son imagination et son rire de Dauphine pour dessiner, de moitié avec le prince de Ligne, le scénario des réjouissances qui célèbrent la convalescence du comte d’Artois ! Voyez l’amusement ; l’enfance et la folie de ces jeux : le convalescent tenu de force sur un trône par le duc de Polignac et Esterhazy masqués en Amours, et lui montrant son portrait fait à la diable avec cette devise : « Vive Monseigneur le comte d’Artois ! » le duc de Guiche en Génie et maintenant la tête du prince ; le duc de Coigny chantant : « Vlà le plaisir ! Vlà le plaisir ! » suivi du prince de Ligne qui en porte le costume, avec deux grandes ailes semblables à celles des chérubins de paroisse. Tous chantent des couplets avec mille témoignages grotesques de respect et d’amour, mais des couplets si fades, mais des couplets si bêtes, que le pauvre prince se démène comme un possédé sur le trône où il est garrotté, tandis qu’entourée des bergères Polignac, Guiche et Polastron, et du chevalier de l’Isle en berger avec un mouton, Marie-Antoinette, la reine, déguisée en bergère, encourage les chanteurs, l’ovation et le supplice[1] !

Le comte de Provence, moins jeune que le comte d’Artois, moins jeune surtout de cœur et d’esprit, d’un sang plus froid, d’un caractère moins ouvert, de goûts moins vifs, le comte de Provence lui-même s’abandonna au charme de sa belle sœur jusqu’à devenir son courtisan et son poète.

Le

  1. Fragments inédits des mémoires du prince de Ligne, La Revue nouvelle, 1846.