Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/131

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entrant par les trouées du feuillage et la balayant de lumière, et l’extrémité de l’allée, toute légère, toute claire, toute transparente, toute septentrionalement lumineuse, et apparaissant dans la couleur locale idéalisée d’une apothéose de l’automne.

5 novembre. — Les Folies-Nouvelles. Une vieille garde mal vêtue au contrôle. Le placeur : un ancien rédacteur du Mousquetaire. Les filles aux avant-scènes et aux loges découvertes, quelques-unes voilées, se dévoilant à demi et se montrant un rien à un monsieur de l’orchestre ou à des jeunes gens d’en face, souriantes ou menaçantes du doigt. À tout moment les ouvreuses suivies de femmes, demandant aux gens placés, le premier rang « pour des dames ». Les spectateurs assis de côté et tournant à demi le dos à la scène… À ce théâtre, la fille se sent dans son salon. Elle a les poses penchées de l’orgueil du chez-soi et de la calèche. Elle est la juge et la faiseuse des succès littéraires avec ses souteneurs du monde.

Au balcon, des rangs d’hommes au teint blafard, minéralisé, mercurialisé, que les lumières font paraître blanc, une raie androgyne en pleine tête, des hommes odieux par le soin féminin de leur barbe et de leur chevelure, se renversant comme des femmes, s’éventant avec le programme plié en éventail, lorgnant dans des petites lorgnettes de poche en nacre, et gesticulant perpétuellement d’une main chargée de bagues, pour ramener, de chaque côté des tempes, leurs cheveux poisseux en un gros ac-