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ce travail jeté à la hâte sur le papier et qui n’a pas été toujours relu — vaillent que vaillent la syntaxe au petit bonheur, et le mot qui n’a pas de passeport — nous avons toujours préféré la phrase et l’expression qui émoussaient et académisaient le moins le vif de nos sensations, la fierté de nos idées.

Ce journal a été commencé le 2 décembre 1851, jour de la mise en vente de notre premier livre, qui parut le jour du coup d’État.

Le manuscrit tout entier, pour ainsi dire, est écrit par mon frère, sous une dictée à deux : notre mode de travail pour ces Mémoires.

Mon frère mort, regardant notre œuvre littéraire comme terminée, je prenais la résolution de cacheter le journal à la date du 20 janvier 1870, aux dernières lignes tracées par sa main. Mais alors j’étais mordu du désir amer de me raconter à moi-même les derniers mois et la mort du pauvre cher, et presque aussitôt les tragiques événements du siège et de la Commune m’entraînaient à continuer ce journal, qui est encore, de temps en temps, le confident de ma pensée.

EDMOND DE GONCOURT.

Schliersée, août 1872.