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velle de l’humanité que des choses qui se passent dans son cœur.

22 juillet. — Été chez Gavarni qui nous montre de merveilleuses aquarelles, balafrées de clarté, de soleil, de vie, avec des roses, des jaunes, des bleus d’un lavage inimitable, et avec des figures prodigieusement pochées dans leur savante construction, — des dessins sur papier Wathman, auquel il donne un ton de chine, en l’exposant dans une chambre où l’on fume.

Il nous confie le titre d’une série qui s’appellera : « le Mérite des hommes. » Là-dessus il nous recommande en amour les femmes bêtes. Il a connu une femme qui lui écrivait, tous les jours, sept pages de bêtises. À la fin il n’en lisait plus que la moitié, mais ça suffisait pour le mettre en gaieté. « Oui, oui, reprend-il, il faudra que je brûle ces rames de lettres de bourgeoises… Celle-là, qui était cependant de la première catégorie des bourgeoises, me donne un jour un rendez-vous pour dans cinq mois et huit jours. Je devais m’introduire chez elle par la porte du potager. Au bout de cinq mois et huit jours, me voici aux environs de Versailles, dans un grand parc. Au fond un château Louis XIII. Je regarde aux fenêtres. Rien qu’une lumière dans une mansarde. Un bougre de domestique qui devait lire un roman de Mme Cottin. Il y avait à traverser une grande pelouse, où la lune donnait en plein. N’oublions pas une petite pluie très fine. Je jette des cailloux dans la fenêtre