Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/157

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Une est seule, la tête raide et de côté ; un nez de vautour, trois grandes taches noires, par le nez et la face, comme des coups d’ongle de la mort, l’œil clair, le regard torve, deux bouts de ruban jaune pendant des deux côtés à son bonnet, une face implacable et sourde. Et toute grande et toute droite, osseuse et solide, les maigres et dures phalanges des mains nouées autour d’une jambe croisée par-dessus l’autre ; elle paraît rouler en elle une de ces consciences césariennes de vieille femme, qui repasse muettement, dans une mémoire de marbre, une vie fauve et des jours rouges.

1er  août. — On raconte un trait de génie de H… Il avait un paquet de lettres de Mlle B… Deux cents lettres très longues et très romance. Mlle B… avait la clef de son cabinet. Les lettres disparaissent. Il fait le désolé, criant partout que son intention était de publier cette correspondance amoureuse, Mlle B… se hâte de rapporter les lettres. Mais pas plus d’édition que sur la main. Feuillet de Conches fait le siège de H… pour ce beau lot d’autographes, et H… lui dit : « Je vous les vendrai bien dans 150 ans. »

— Je songe à la réhabilitation — dans une pièce ou autre part — d’un parasite d’esprit, éclatant à la fin d’un dîner donné par un bourgeois : « Comment, malheureux, je t’amuse, je fais passer un rire dans ta cervelle stupide et vide, et cela pour un mauvais dîner que tu me reproches ! »