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que, parce que nous ne nous y connaissons pas, et jamais peinture, parce que nous nous y connaissons.

16 mars. — Publication du premier volume de nos Portraits intimes du XVIIIe siècle. Barrière nous gronde de dépenser du talent sur de trop petits sujets. Il faut au public des corps d’ouvrage solides et compacts, où il revoit des gens qu’il a déjà vus, où il entend des choses qu’il sait déjà. Les anecdotes trop peu connues l’effarouchent, les documents vierges l’effrayent : une histoire, comme nous la comprenons du XVIIIe siècle, développée à travers une longue série de lettres autographes et de pièces inédites servant à mettre en montre tous les côtés du siècle : une histoire, neuve, originale, sortant de la forme générale des histoires ordinaires, ne nous rapportera pas le vingtième d’une grosse compilation, où nous aurons à patauger des pages entières dans du connu et du ressassé. Il a dit cela, le père Barrière, et peut-être a-t-il raison ?

19 mars. — X… est venu nous voir ce matin. La femme qu’il aimait lui a écrit que, fatiguée des tyrannies de son amour, son amour à elle était mort, bien mort, et pour lui ôter tout espoir de raccommodement, elle lui a fait entendre qu’elle a pris un autre amant. Ce sont des larmes dans la voix et de très beaux vers écrits sur le coup, larmes et vers mêlés, brouillés dans une fureur sourde, qui appelle à grands cris des coups, des batteries, des duels.