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mollesse ataxique des jambes, n’ont ni la grande ligne de l’antique, ni le caprice du XVIIIe siècle, et se développent d’une manière assez mélancolique sous le drap noir étriqué.

— Chez les journalistes existent très souvent les plus étranges illusions sur la perspicacité du public à deviner à travers leur prose, le sous-entendu de leurs colères et de leurs éreintements.

Mais parmi tous ceux-là, on peut citer Janin, comme le naïf le plus extraordinaire. Chaque semaine, tous les personnages de l’histoire et du roman, depuis la famille des Atrides jusqu’au monde de Restif de La Bretonne, sont les têtes de Turc, par-dessus lesquelles il tape sur ses contemporains, et il se figure, avec une candeur qui étonne, que tout Paris, toute la France, toute l’Europe le comprend et saisit les masques.

Dernièrement, à propos d’une pièce sur Benvenuto Cellini, où il avait abîmé l’orfèvre italien, à ne pas en laisser un morceau : « — Que vous a donc fait ce pauvre diable de Benvenuto Cellini ? lui disait un visiteur. — Allons, ne jouez pas au fin avec moi ; vous avez bien compris que c’était Bacciocchi ! » lui répondit Janin.

3 avril. — Quand je prends une tasse de chocolat, je suis à Naples, au café de l’Europe, au coin de la grande place du Palais. Il est midi. Il fait toujours du soleil. Je vois le joli garçon frisé et leste qui nous