Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/193

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Il parle de son Cercle des Arts avec un monsieur qui dîne à côté de lui, et je l’entends lui dire : « Je ne sais plus quels sont les gens qui en font maintenant partie… et vrai, je ne connais pas la langue qu’ils parlent. L’autre jour, un monsieur de là demande : « Qu’est-ce qu’on a fait ? » Un autre lui répond : « Six dont un !… » Six dont un ! Non, non, je ne comprends pas ! »

C’était beau, ce fouaillement de l’argot de la Bourse par ce grand dédaigneux de l’argent.

11 avril. — Vu Marie. Je me garde bien de lui dire que c’est ma fête demain, parce qu’elle m’aurait demandé un cadeau.

À cinq heures, rencontré à l’Artiste, Gautier, Feydeau, Flaubert. Feydeau, une infatuation, un contentement de soi, un gonflement de si bonne foi et si naïvement enfantin qu’ils désarment. Il demande à Gautier, à propos de la première des Saisons, qui doivent paraître à chaque solstice : « Trouves-tu que ce soit une perle, hein ? Car je ne veux te dédier qu’une perle ! »

Aussitôt s’ouvre une grande et bruyante discussion sur les métaphores. La phrase du nommé Massillon : « Ses opinions n’avaient pas à rougir de sa conduite, » est acquittée par Flaubert et Gautier, mais la phrase de Lamartine : « Il pratiquait l’équitation… ce piédestal des princes, » est condamnée sans appel.