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2 mai. — Il y a encore dans les cafés des gens qui s’intéressent aux naufragés de la Méduse !

4 mai. — Je vais ce soir en soirée chez Louis, qui veut me présenter à notre ancien camarade de rhétorique, Prévost-Paradol. Un torse qui commence aux genoux, un nez de comique, des favoris d’homme grave, un col rabattu. On me présente, il se soulève de sa chaise, veut bien me dire quelques mots sur les études que doit nécessiter l’histoire des mœurs, se rassied, et, toute la soirée, reste au cœur de la conversation des vieux, n’ouvrant pas la bouche, raide sur sa chaise, sérieux comme un doctrinaire qui politique. Évidemment, c’est un garçon qui arrivera, mais c’est dur ! Je suppose que M. Hippolyte Passy a dû dire en le quittant : « Garçon remarquable, il écoute avec une profondeur…[1] »

  1. À propos de ce croqueton de M. Prévost-Paradol, j’ai reçu la lettre suivante de M. Ludovic Halévy :
    « Monsieur,
    « Prévost-Paradol, écrivain, vous appartient ; mais je n’ai pu lire, sans étonnement et sans tristesse, ces lignes signées de vous sur la longueur de son torse et sur son nez de comique. Permettez-moi de vous dire que je ne me serais jamais attendu de votre part à de pareils procédés de critique.
    « Il me semblait que vous étiez de ceux à qui la mémoire de mon ami ne pouvait inspirer que des sentiments de respect et d’émotion.
    « Recevez, Monsieur, l’assurance de ma considération,
    « Ludovic Halévy.
    « Mercredi, 22 septembre 86. »
    À la réception de cette lettre, mon premier mouvement a été d’enlever la note sur ces lignes amies qui me semblaient dic-