Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/222

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long, les bras arrondis en couronne, et sa robe ondoyant tout autour d’elle, — paresseuse et blanche, enviée du regard par la marchande de coco tannée qui passe.

Mais la femme est femme. Celle-ci est parfaite à cela près, qu’elle est prise en mangeant d’une crise de narration. Dès que la soupe lui a ouvert la bouche, le dernier roman de la Patrie en découle, sans arrêt, sans suite au prochain numéro, à pleins bords. Et cela va jusqu’au légume, souvent jusqu’au dessert. L’étonnant est qu’elle mange, le miraculeux est qu’il finit par finir, l’insupportable est qu’elle veut être comprise.

Pour lui donner toutes les joies intellectuelles à sa portée, et nous nourrir avec elle de choses en situation, nous allons louer, au cabinet de lecture de l’endroit, le premier roman venu de Paul de Kock : L’Homme aux trois culottes. Elle lit cela le soir, les deux pieds allongés sur une chaise, un genou remonté entre le jupon et la jarretière rouge, scandant dramatiquement tout le mélodramatique de la chose, et nous avertissant par des temps, de formidables temps, de toute la couleur révolutionnaire du susdit romancier. Ô Providence, si tu existes, tes ironies sont d’un joli calibre… Dire que ça nous est infligé, à nous qui avons fait l’Histoire de la société pendant la Révolution !

Un homme admirable, après tout, ce Paul de Kock, pour avoir appris au public la révolution des légendes Pitt et Cobourg, pour avoir immortalisé