Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/235

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profession de foi, suivie d’un débordement d’exécration pour les pays septentrionaux, disant que le Français chez lui serait peut-être indifférent à une invasion italienne ou espagnole, mais qu’il mourrait sous une invasion allemande ou russe. Murger conte les vrais meurt-de-faim du Paris artiste, et leurs campements sur les bords de la Bièvre dans des cabanons d’Osages… Puis la suspension de la Presse nous ramène, nous tous, hommes de plume, aux regrets du règne de Louis-Philippe, aux mea culpa de chacun, de ses niches, de ses gamineries, de ses vers à la Barthélemy contre le Tyran. Le marquis de Belloy rappelle ces cochers d’omnibus qui, rencontrant dans l’avenue de Neuilly, la modeste berline du souverain, soulevaient leur chapeau, en ayant l’air de le saluer, et se penchant, lui criaient dans les oreilles : « M… pour le roi ! »

À la fin de la soirée, Saint-Victor, enterré au coin du feu dans un grand fauteuil, en une digestion de César replet, s’allume tout à coup, nous entendant causer de la Révolution et du vil prix des belles choses du XVIIIe siècle en ces années, et s’écrie, soulevé tout droit :

— Hein ! si on pouvait revivre dans ce temps-là, seulement trois jours !

— Oh ! oui, faisions-nous, voir tout cela !

— Mais non, pour acheter… tout acheter et tout emballer, quel coup !

— L’excès du travail produit un hébétement tout