Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/243

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grande filtrée de lumière pareille à la lumière d’un glacier sur un côté de la salle ; tout en haut, par une ouverture du paradis, le jour du dehors frappant sur les rideaux rouges des loges, sur le lustre au milieu de l’obscurité, scintillant en huit ou dix points de petits rubis et de petits saphirs ; et en l’orchestre, et en la salle vide, çà et là, des taches noires comme pochées par Granet, qui sont une vingtaine de spectateurs ; et la rampe basse, et au-dessus du plafond qui s’abaisse lentement, pour rejoindre les décors, des trouées d’échafaudages bleuissants qui semblent la charpente d’un clocher éclairé par un clair de lune.

On charge de braise les chaufferettes traditionnelles et monumentales de la maison de Molière, et la répétition commence avec un sac de bonbons sur une fausse cheminée. Mme Plessy est en brûleuse de maison ; Provost arrive en retard, plié en deux par un rhumatisme ; l’amoureux, tout emmitouflé, joue enfoui dans un cache-nez, et les acteurs, tout en faisant le geste d’ôter leur chapeau, le gardent… Quelque chose de bourgeoisement fantomatique.

5 mars. — Curieux êtres que nos étourdis, nos dissipateurs, nos fous ! qui ne jettent au vent que l’argent des usuriers. La fortune leur vient-elle, les voilà tout à coup rangés, sages, économes, comptant et liardant. X… ce dernier des fils de famille sans famille, ce type d’enfant prodigue, a positivement dans le moment de l’argent à lui. Hier il a ouvert