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distractions, l’orgie, les grattements de vanité. — C’est la maladie qui vient aux activités retraitées, aux têtes qui restent trop longtemps à se reposer, à nous qui, depuis cinq mois, ne vivons pas dans une œuvre et pour une idée.

2 août. — Par la littérature qui court, c’est vraiment un noble type littéraire que ce Saint-Victor, cet écrivain dont la pensée vit toujours dans le chatouillement de l’art ou dans l’aire des grandes idées et des grands problèmes, couvant de ses amours et de ses ambitions voyageuses la Grèce d’abord, puis l’Inde qu’il vous peint sans l’avoir vue, comme au retour d’un rêve haschisché, et poussant sa parole, ardente et emportée et profonde et peinte, autour de l’origine des religions, parmi tous les grandioses et primitifs rébus de l’humanité : curieux des berceaux du monde, de la constitution des sociétés, pieux, respectueux, son chapeau à la main devant les Antonins, qu’il appelle le sommet moral de l’humanité, et faisant son évangile de la morale de Marc-Aurèle, ce sage et ce si raisonnable maître du monde.

Et quand il redescend de ces cimes, et qu’il parle de ces temps-ci et de leurs hommes, c’est avec une ironie à la Michel-Ange, comparant Janin et son œuvre à la Chimère de Rabelais « bombycinant dans le vide », chimera bombycinam in vagum.

Tout cela coulant, débordant, en une nuit d’été, de cet éloquent toqué du passé et de l’antiquité, dans l’ombre d’un mylord qui roule au petit pas, à