Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/298

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— J’ai eu des chaleurs de tête, des dévouements d’idées, des enthousiasmes d’âme ; mais à présent je juge qu’il n’y a pas une chose ou une cause qui vaille un coup de pied dans le cul, — au moins dans le mien.

28 septembre. — On sonne. C’est Gavarni que nous n’avons pas vu depuis deux mois. Il vient perdre sa journée avec nous. Pendant tout ce temps, pendant ces deux mois il n’a vu personne. Il a été un instant malade : « Oui, nous dit-il, car pour moi il n’y a pas d’autre mal que la crainte de la maladie, et je l’ai eue. Ç’a été une douleur au cœur, et le sang si fort à la tête que je craignais à tout moment de tomber. J’avais perdu le sentiment de la verticalité… Vous concevez, ce n’était pas drôle. » Mais le médecin l’a rassuré : ce n’était que rhumatismal.

Il n’a guère fait qu’une sortie pour aller acheter 300 francs de plantes à l’exposition d’horticulture. « C’est ma grande passion, dit-il, cela n’a cependant aucun rapport avec mes idées, avec les mathématiques. » Pourtant cette chinoiserie, comme il l’appelle, est si forte en lui qu’il a été transporté par la lecture d’un catalogue de pépiniériste d’Angers, et qu’il songe, lui si casanier, à faire le voyage par amour d’une plante annoncée : le lierre à feuilles de catalpa.

Il nous parle de son jardin, des choses qu’il veut y amener, des nouveaux arbres qu’il y plantera, de son dégoût absolu de l’arbre caduc, de son projet