Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/305

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

jours-ci à vendre de la rente pour l’impression de nos Hommes de lettres. Et nous, qui lisons, tous les soirs, le journal le Soir, n’avons songé, ni l’un ni l’autre, à regarder ce qu’avait fait la Bourse.

4 novembre. — Nous recevons nos épreuves. Quand la feuille est venue, que nos personnages paraissent vivants, que notre dialogue nous semble une voix, nous sortons de ce papier, échappé de nos entrailles et que nous corrigeons avant de nous coucher, — nous sortons avec une vraie fièvre qui nous retourne deux ou trois heures, sans sommeil, dans notre lit.

15 novembre. — Comme mon dentiste me nettoyait les dents, penché sur moi, il me dit tout à coup : « Est-ce que vous allez quelquefois entendre les prêtres ? Ils sont si bêtes ! Ils n’ont jamais dit ce que c’était que Dieu ! » Et la voix de mon dentiste était devenue une voix d’apôtre. — Dieu ne peut pas être homme, il est essence. Il n’y a qu’un philosophe qui a dit cela : c’est Bacon… Quant à Marie, c’est la reproduction universelle, la réverbération de Dieu. Voici ce que les prêtres n’ont jamais formulé, et cependant Apollonius de Tyanes l’a vue ainsi, des siècles avant sa naissance, car elle a existé de toute éternité !

… Comme il fait chaud aujourd’hui ! Quel drôle de temps ! Des tremblements de terre ! Vous savez qu’il vient d’y en avoir encore un à Erzeroum ? Des chaleurs inexplicables ! la comète de l’an passé !