Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/326

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que pour en faire le haut, plus haut et plus digne de respect.

Samedi 4 février. — Gavarni vient dîner. Il a fait la grande partie d’aller au bal de l’Opéra avec nous. En arrivant, il demande une feuille de papier et y dépose de petites machines mathématiques, qui lui sont venues en route. Pour attraper l’heure du bal, nous l’emmenons voir Léotard, et, après le Cirque, nous allons prendre un grog dans un café des boulevards, où il nous parle avec une admiration enthousiaste des travaux de Biot, de ses livres de mathématiques où il n’y a pas de figures.

Et le voici, montant cet escalier du bal de l’Opéra, qu’il n’a pas vu depuis quinze ans, le voici à mon bras, perdu dans cette foule, comme un roi perdu dans son royaume : lui, Gavarni, qui pourrait dire : « Le carnaval, c’est moi ! »

Il vient jeter les yeux sur les modes nouvelles de la mascarade. Nous restons une heure à regarder, d’une loge, la danse et les masques, une heure où il semble faire une sérieuse étude du costume nouveau et presque général des danseuses : de ce costume de bébé, de cette petite robe-blouse descendant au genou, laissant voir la jambe et les hautes bottines ballantes dans l’air, et dessinant des nimbes au-dessus de la tête des danseurs. Puis quand il a tout le bal dans les yeux, je le ramène coucher chez nous. Il a eu froid en sortant du Cirque, puis la chaleur du bal l’a suffoqué. Il se traîne en marchant, il monte