Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/344

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l’huissier avec son petit manteau noir qui pend à son habit, comme une aile cassée de chauve-souris.

La petite fille pleure. Vraiment, à voir la misérable petite, pelotonnée sur le banc, et le mouchoir aux yeux, et qui a commencé par la mendicité, et qui n’a eu nul appui, nul enseignement pour résister aux pauvres petits vices de son âge, il vous prend une mélancolie profonde. On en sort à la voix du président qui, s’adressant au père de l’enfant, un mendiant idiot, lui reproche de n’avoir pas développé le sens moral dans son enfant. À ce mot le père semble vaguement chercher une araignée au plafond. La petite fille en a pour quatre ans de maison de correction.

On passe à une affaire d’outrage aux mœurs. Il y a deux fillettes de treize à quatorze ans, aux yeux de charbon ardent, qui se dandinent et se frottent avec une lascivité animale contre les bancs. Elles déposent de sottises qu’on leur a faites, avec une aisance, une propriété de termes véritablement monstrueuse. Le prévenu est un gros homme, à épaules de bœuf, sanguin, interrupteur qui veut toujours parler, donner l’opinion de ses idées, et dont l’émotion se trahit par un croissant de transpiration sous les aisselles, sur sa blouse. À tout moment il se lève, agitant derrière son dos, ses deux grosses mains de Goliath. Les témoins déposent : des dépositions baveuses, gluantes et qui s’embrouillent. Tout se passe en famille. Il y a une interruption d’audience, où tout le monde se rapproche ; l’huissier offre une