Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/398

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ce nom me revient, et je ne sais quel mirage voit mon esprit entre cette toile et l’œuvre de Shakespeare. Et regardez encore la petite fille toute de lumière, enfant de soleil qui jette ses reflets d’ambre à toute la toile, cette petite fille coiffée d’or, qu’on dirait habillée d’émeraudes et d’améthystes, et à la hanche de laquelle pend un poulet : petite juive, vraie fleur de Bohème. N’en trouverez-vous pas encore le nom et le type dans Shakespeare, en quelque Perdita ?

Un monsieur était devant ce tableau, qui le copiait minutieusement, à l’encre de Chine. J’ai pensé à un homme qui graverait le soleil à la manière noire.

— Pour moi, le plus étonnant trompe-l’œil de la vie sur des figures, le plus merveilleux morceau de peinture, le plus beau tableau de la terre : c’est le tableau des Quatre Syndics de Rembrandt. La toile que je préfère ensuite est le Martyre de saint Marc du Tintoret. Je dois dire que je ne connais pas les Velasquez de Madrid, que je ne connais pas les fameuses ouvrières en tapisserie.

— Entré dans une synagogue. Une odeur d’Orient et l’apparence d’une religion heureuse. Une sorte de familiarité avec Dieu. La prière dans la religion catholique a toujours l’air de demander pardon d’un crime. Ici on cause, on se repose, on est comme dans un café de la Foi.

— Un maître diantrement original que Van der Meer. On pourrait dire de sa Laitière, que c’est