Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/400

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— Leyde… Ici au musée, on a mis contre une fenêtre, deux momies démaillotées, deux momies d’enfants. Elles regardent éternellement, par les carreaux, un canal de Hollande, des feuilles mortes sur une eau morte, un ciel gris, un soleil jaune, des briques noires, des arbres noirs. C’est impie ces deux enfants du soleil, posés là pour toujours, contre un Pierre de Hooghe. Ils me font penser à ces pauvres grands poètes nostalgiques, expatriés du ciel de leur rêve et exilés dans la vie, ainsi que ces momies dans la mort, — devant un perpétuel paysage morne.

18 septembre. — Bruxelles… Nous dormions ce matin, dans nos petits lits de l’hôtel de Flandre attenant à l’église Saint-Jacques, et dans un office du matin, l’orgue, qui est dans notre mur, mettait en notre demi-sommeil de sept heures, un angélique bourdonnement. C’était tout à la fois une mélodie lointaine et proche, s’élevant, montant, mourant parmi nos sensations et nos pensées encore endormies, et qui nous berçait comme dans le rêve d’une musique flottante, aérienne, amoureusement divine et vague, à la façon de la lumière d’une apparition en train de disparaître.

19 septembre. — Nous voici dans le chemin de fer, revenant de Hollande avec Saint-Victor. Tout le temps, il éclate en images inattendues, qui peignent tantôt poétiquement, tantôt brutalement, à votre