Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/50

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de décembre dernier, Villedeuil rentrait du ministère en disant avec une voix de cinquième acte :

— Le journal est poursuivi. Il y a deux articles incriminés. L’un est de Karr ; l’autre, c’est un article où il y a des vers… Qui est-ce qui a mis des vers dans un article, ce mois-ci ?

— C’est nous ! disions-nous.

— Eh bien ! c’est vous qui êtes poursuivis avec Karr.

Or, voici l’article qui devait nous faire asseoir sur les bancs de la police correctionnelle, absolument comme des messieurs arrêtés dans une pissotière. Cet article, paru le 15 décembre 1852, avait pour titre : Voyage du no 43 de la rue Saint-Georges au no 1 de la rue Laffitte[1]. Un voyage de notre domicile d’alors au bureau du journal, et qui passait en revue, d’une façon fantaisiste, les industries, les officines de produits bizarres, les marchands et marchandes de tableaux et de bibelots que nous rencontrions sur notre route, et entre autres, la boutique d’une femme célèbre autrefois, comme modèle, dans les ateliers de peinture.

Donnons le paragraphe incriminé :

« Dans cette boutique, ci-gît le plus beau corps de Paris. De modèle qu’il était, il s’est fait marchand de tableaux. À côté de tasses de Chine se trouve un Diaz, et j’en connais un plus beau. C’est un jeune homme et une jeune femme. La chevelure de l’ado-

  1. J’ai donné l’article en son entier dans Pages retrouvées, volume publié, l’année dernière, chez Charpentier.