Page:Goncourt - Journal, t2, 1891.djvu/105

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qués, pédéraste qui a trouvé le moyen de se faire de la fausse gorge avec du mou de veau qu’il fait bouillir, et taille en forme de téton. L’autre jour, dit-elle, il était désolé. Un putain de chat, ainsi qu’il s’exprime dans son dialecte franco-germanique, au moment où il allait partir pour l’Opéra, avait mangé un de ses seins, qu’il faisait refroidir dans le chéneau de sa mansarde.

23 février. — Dîner de Magny. Charles Edmond nous amène Tourguéneff, cet écrivain étranger d’un talent si délicat, l’auteur des Mémoires d’un Seigneur russe, l’auteur de l’Hamlet russe.

C’est un colosse charmant, un doux géant aux cheveux blancs, qui a l’air du bienveillant génie d’une montagne ou d’une forêt. Il est beau, grandement beau, énormément beau, avec du bleu du ciel dans les yeux, avec le charme du chantonnement de l’accent russe, de cette cantilène où il y a un rien de l’enfant et du nègre.

Touché, mis à l’aise, par l’ovation qu’on lui fait, il nous parle curieusement de la littérature russe, qu’il annonce en pleine voie d’études réalistes, depuis le roman jusqu’au théâtre. Il nous apprend que le public russe est grand liseur de revues, et rougit de nous avouer que lui, et dix autres, sont payés 600 francs la feuille. Mais en revanche, le livre à peine rétribué là-bas et rapportant tout au plus 4000 francs…

Sur le nom de Henri Heine, prononcé par Tour-