Page:Goncourt - Journal, t2, 1891.djvu/107

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Comme nous parlions de ce qu’avait dit la veille Tourguéneff, qu’il n’y avait qu’un homme populaire en Russie : Dickens, et que depuis 1830 notre littérature n’y avait plus d’influence et que tout allait aux romans anglais et américains, Taine nous dit que, pour lui, il est certain que l’avenir développera encore ce mouvement, que l’influence littéraire de la France ira toujours en diminuant[1], que depuis le XVIIIe siècle, il y a en France pour toutes les branches de connaissances des hommes remarquables, un beau front d’armée, mais rien derrière, pas de troupes, que c’est toujours l’histoire de la province et de Paris, à l’heure qu’il est… Il ajoute : « Hachette vient de refuser de faire une traduction de Mommsen, et il a eu raison. On publie dans le moment en Allemagne une nouvelle édition des œuvres de Sébastien Bach : sur quinze cents souscriptions, il y en a dix en France. »

Le soir, en dînant, on cause des donations au clergé, de la main à la main, et qui échappent à la loi. Un notaire, M. Tresse, a dit à Claudin, qu’en 1852, M. Bineau étant ministre des finances, une enquête a donné la certitude que les dix-neuf vingtièmes du 3 p. 100 au porteur, étaient entre les mains du clergé. Les petites sœurs des pauvres, qui ont commencé

  1. Jamais pronostication ne fut plus erronée, car en aucun temps le livre français, le roman, n’eut en Europe une vente pareille à celle qu’il obtint, quelques années après. Du reste, les philosophes, ainsi qu’on le verra dans la suite de ce journal, me semblent posséder la spécialité des prophéties qui ne se réalisent pas.