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amie de Saint-Denis, et qui s’est faite carmélite. Elle nous décrit son lit : une banquette avec une couverture ; elle nous parle de son pot à l’eau contenant une pinte d’eau, destinée à la soif et à la toilette de la semaine ; elle nous parle encore de cette écuelle de bois, dans laquelle les carmélites mangent, avec leurs doigts, leur soupe maigre, leurs œufs, leur poisson.

Puis c’est cette récréation, où comme il est défendu d’avoir une amie, une préférence, une espèce de tour de valse les fait tomber à terre, l’une à côté de l’autre, au hasard. Oui, une récréation, où il est commandé à la fois de parler et en même temps de ne rien dire, et aussitôt que toutes sont assises à terre, et que la Supérieure, prenant la parole, a dit : « Il fait beau ! » toutes se mettant à paraphraser la banale parole pendant une demi-heure.

Elle nous peint ses entrevues avec cette personne invisible, agenouillée sur ses talons, séparée d’elle par une grille et un rideau, et paraissant, tous les jours, s’enfoncer un peu plus loin dans le lointain, et se reculer de la vie vivante.

À une de ses dernières visites, où on l’a fait attendre longtemps au parloir, son amie lui disait : « Aujourd’hui, c’est un jour de récréation, nous ôtons les chenilles des groseilliers, et par une grâce spéciale, on nous a permis de les ôter avec un petit morceau de bois. »

— Maurice de Guérin me fait penser à un homme