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d’Henriette Maréchal, présentée à ce théâtre. C’est dans une maison de la rue des Colonnes communiquant avec le théâtre. Un de ces escaliers qui font peur aux collégiens allant perdre leur pucelage avec une fille, et une antichambre toute grande ouverte, où il n’y a comme mobilier que des patères à chapeaux, et dans un coin, sur le carreau, un pain de quatre livres, posé debout. J’ai cru entrevoir l’antichambre de la faillite.

De là, je suis entré dans un salon au luxe fané et banal, aux dorures usées, au velours de coton élimé, aux meubles de Boule pour l’exportation, aux tableaux, modernes semblant achetés dans un passage où, le soir, on économise le gaz, aux petites jardinières en pommes de sapin, ne renfermant rien dedans que de la mousse fausse.

 

De là, nous sommes allés chez Carrier, le vieux miniaturiste qui a inoculé à son confrère Saint, et à quelques autres amateurs, le goût du XVIIIe siècle. Il nous montre une tête de La Tour achetée, un sou, à un étalage par terre, et nous parle avec désespoir d’une esquisse de Watteau, donnée de la main à la main, à l’ami Saint pour lui faire plaisir, vendue depuis, 25,000 francs en Angleterre.

On est dégoûté des choses, par ceux qui les obtiennent, des femmes, par ceux qu’elles ont aimés, des maisons où on est reçu, par ceux qu’on y reçoit.

10 février. — Mercredi des Cendres… La princesse