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pas leur foi, dit-il, qui a fait leur cœur, c’est leur cœur qui a fait leur foi ! »

Michelet nous avoue qu’il travaille beaucoup sur les épreuves, parce que l’écriture trompe, parce que dans un moment de passion, il y a des morceaux de calligraphie, écrits d’une écriture émue, auxquels on tient… On voit seulement sur l’épreuve, que cela ne se rapporte ni à ce qui est avant, ni à ce qui est après. « L’épreuve, finit-il par dire, est votre pensée éclairée… » Et il se demande comment, sans cette inspiration matérielle, manuelle de l’écriture, les anciens pouvaient suivre une idée dans toutes ses rédactions, — lui, qui ne peut raisonner qu’avec la plume.

Mme Michelet est là, qui nous déclare aimablement qu’elle se fait une fête de lire notre roman, se plaignant qu’il y ait trop peu de livres qu’on puisse lire sans application, et disant qu’elle a vainement cherché de quoi lire, hier au soir, dans toute la bibliothèque de son mari.

Alors Michelet de s’écrier, avec une charmante bonhomie : « Je lui disais : Tiens, prends mon Homère, mon Dante… enfin je lui offrais les plus belles choses ! ».

 

Puis la causerie va à la tristesse moderne, à l’absence de joie, la joie de Rabelais, la joie dont Luther faisait une vertu.

Cette tristesse, Michelet l’attribue à la complexité des idées modernes, à l’embarras du choix entre tant