Page:Goncourt - Journal, t2, 1891.djvu/197

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Et mon interlocuteur appuie sur les incertitudes du critique, ses tergiversations de jugement, sa quête de l’opinion des autres, du jugement des petites dames, et parfois sur l’intimidation morale, produite par l’invasion de grands diables comme Turgan et Feydeau, tombés inopinément chez lui, et qui enlevèrent son article sur Fanny.

Il parle encore fort spirituellement des trois décompositions de physionomie de Sainte-Beuve, de ses trois têtes, qu’il appelle : sa figure Balzac, sa figure Hugo, sa figure Michelet, lorsqu’on parlait de ces trois individualités, qu’il abominait.

5 avril. — En littérature, on commence à chercher son originalité laborieusement chez les autres, et très loin de soi… plus tard on la trouve naturellement en soi… et tout près de soi.

9 avril. — Encore à table, nous nous mettons à causer, à la fin du dîner, après quelques jours de tristesse concentrée, et ces idées se succèdent en nous, et nous partent, en même temps, à l’un et à l’autre des lèvres.

Notre plaie au fond, c’est l’ambition littéraire insatiable et ulcérée, et ce sont toutes les amertumes de cette vanité des lettres, où le journal qui ne parle pas de vous, vous blesse, et celui qui parle des autres, vous désespère.

Et les vides que nous laisse cette existence, toute aux lettres, les entr’actes de notre travail, nous les