Page:Goncourt - Journal, t2, 1891.djvu/227

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autre. Il se fait payer par les curés une partie de ses livres en bons de messe, contresignés par l’évêque, bons qui lui reviennent, l’un dans l’autre, à huit sous, et il les revend quarante en Belgique, où le clergé ne peut suffire à toutes les fondations de messe, laissées par la domination espagnole.

22 août. — Bizarres créatures que ces femmes russes. Tout est caprice et folie en elles, jusqu’à l’estomac. Des citrons, des tomates, de l’absinthe, du laudanum, c’était l’alimentation de la princesse Narichine, et la duchesse de M… ne se nourrit que de salade et de bonbons, éprouve des maux de cœur devant le bouillon et la viande, et à ses dernières couches, on n’a pu la faire revenir d’une syncope qu’au moyen d’une bouteille de rhum.

— Peindre dans un roman la blessure que fait à un homme amoureux, la danse de la femme qu’il aime, et plus que la danse et son enlacement, la transfiguration presque courtisanesque, que la sauterie apporte à cette femme, soudainement sortie de son humeur raisonnable, de son caractère tranquille, du sage apaisement de son honnête personne.

1er septembre. — On me racontait ceci : Eugène Sue, vieux, fini, usé, faisait en Savoie la cour à Mme de Solms. C’était le soir. La lune le frappa tout à coup en pleine figure, et cette lumière décomposant toute la chimie des teintures de son masque