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Dimanche 13 août. — Nous arrivons, en plusieurs voitures, à Saint-Gratien, où la princesse nous a invités à passer quelques jours. Autour de la table du déjeuner sont le comte Primoli et sa femme, Nieuwerkerke, le vieux Giraud et son fils à la tête frisée, à la fine figure de Méphistophélès, Baudry, Marchal, Hébert qui a quelque chose d’un fumiste de l’idéal, Saintin, Soulié, Arago, dont l’anémie met en ce moment une sourdine à sa blague amusante.

On cause de la pièce des Deux Sœurs, jouée hier, et absolument chutée, et que la princesse, dans un sentiment de bienveillance pour Girardin, soutient mordicus, et contre tous, être un succès…

Après déjeuner on passe dans la vérandah, et on attelle le vieux Giraud à l’album de caricatures. La princesse, accotée au bras du canapé, sur lequel il est assis, rit la première, en regardant par-dessus sa tête, rit de la charge d’Arago, écrasé sous une légion d’honneur gigantesque, de la charge de Baudry et de son appareil nasal, de la charge de Marchal et de sa large face, de la charge de nos deux profils reliés par une seule plume.

Puis en troupe, on va au lac, à ce chalet joujou, garni de sa féerique batterie de cuisine en bois, à ce bord de l’eau, meublé des grandes étagères, portant les rames, les avirons, les pagayes de la flottille de canots, de yoles, de patins, et près duquel se dresse le pavillon de l’embarcadère, tout tapissé et remuant de plantes grimpantes. Et l’on se partage pour faire