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à travers un monde de notaires et ses raisonnables et économiques joies.

Tout chez la Deslions est du gros luxe d’impure, et d’impure de bas étage. Un salon blanc et or, une chambre à coucher en satin rouge, des boudoirs en satin jaune, et partout de la dorure, et encore un cabinet de toilette avec des cuvettes et des pots à l’eau, en cristal de Bohême jaune, énormes, gigantesques, demandant le biceps d’Hercule pour les soulever. Il y a aussi des tableaux là-dedans dont le choix semble une ironie. Au milieu de la soie claire d’un panneau, un noir Bonvin, représentant un homme attablé dans un cabaret, apparaît à la façon d’un portrait de famille, d’un ressouvenir de basse origine, du père de la fille passant la tête au milieu de sa fortune. Sur l’autre panneau, des travailleuses des champs, faneuses ou glaneuses, par Breton, pliant sous le labeur, et la sueur au front, mettent, en cet intérieur de prostitution, l’image du travail de la campagne hâlée arrachant son pain à la terre avare.

Dans la bibliothèque — car elle avait une bibliothèque — j’ai vu, à côté des bréviaires du métier, Manon Lescaut, les Mémoires de Mogador, etc., etc., les Questions de mon temps par Émile de Girardin. Imaginez l’offrande de la « Triangulation des pouvoirs » à la Vénus Pandemos.

Pour les bijoux remplissant une vitrine : c’était l’écrin d’une Faustine, trois cent mille francs d’éclairs, qu’elle faisait encore jouer hier sur sa peau, au rose